Un matin, elle se réveille, se lève, allume la lumière et prend un
jouet. Je dis rien, je la regarde, je reste couchée, stoïque. 10, 15mn
plus tard, je suis toujours stoïque et elle en a marre de jouer seule.
Elle m'apporte mes chaussons et me tend la main avec l'air de dire "lève
toi maman!", un grand sourire aux lèvres. Y a pas à dire, sa chambre d'inspiration Montessori à changer mes matins!
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Jouets à sa portée et cabane avec boules de couleur. |
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Lecture sous l'arbre ! |
Bref, elle a 15 mois et moi j'ai pas vu le temps passer. J'ai bien vu
combien elle apprenait vite, comment elle changeait de jours en jours.
Elle met sa couche à la poubelle, se déshabille seule, m'aide quand je
l'habille, elle appuie sur le (ou les...) boutons de l'ascenseur, se
savonne (presque) seule, etc. Elle a de plus en plus de facilité à exprimer ses émotions. Elle sait me faire comprendre quand elle est en colère. Elle sait aussi me serrer entre ses tout petits bras et me faire des dizaines de bisous. C'est un délicieux régal de l'accompagner
dans cette découverte!
Je suis ce qu'on appelle une maman solo depuis maintenant 4 mois et ma
plus grosse peur a été de ne plus être autant proximale que je l'avais
été toute sa 1ère année.
Comment allais-je pouvoir concilier les nuits hachées, en cododo, rythmées par ses nombreuses tétées nocturnes et le boulot?
Comment allais-je pouvoir lui apporter tout le réconfort de ma présence en étant absente 4 jours par semaine, 11h par jour?
Comment allais-je pouvoir assumer (et assurer)seule, le quotidien tout en restant maternante?
Je me souviens de ce mois de juin et des valises que je remplissais. Je
me souviens lui avoir demander d'attendre, complètement dépassée par la
situation, quand elle a eu envie d'un câlin, maintenant, tout de suite.
Je lui ai dis que maintenant, je ne pourrais plus faire tout, tout de
suite. Puis je me souviens de son regard. Je me souviens du mien. Je me
souviens de ce face à face. J'ai tout posé et je l'ai pris contre moi.
J'avais tord.
"Il n'y a pas d'autres urgences que celle d'aimer".
Tout
peut attendre. La vaisselle, le ménage, ce coup de téléphone, ce livre.
Elle ne sera pas un bébé toute sa vie, elle ne sera pas dépendante toute
sa vie. Je me suis promis que rien ne changerait. Et rien n'a changé.
Alors oui, je ne vis pas dans un musée et à l'heure où j'écris le début de ce billet
je n'ai toujours pas débarrassé la table... du gouter et il est 22h !
Mais je l'ai entendu rire et j'ai ris avec elle. J'ai joué plus d'une
heure dans le bain et je l'ai regardé être heureuse. Je suis restée
couchée près d'elle bien après qu'elle se soit endormie et je l'ai
écouté respirer.
J'ai du me résoudre à ne plus partager toutes ses journées. Ce fut affreux. Ça l'est toujours, chaque matin, chaque seconde. Avant, quand
je devais me lever, je mettais le réveil 30 minutes plus tôt histoire de savourer
encore un peu mon lit. Aujourd'hui, mon réveil sonne toujours 30mn plus
tôt mais c'est pour la savourer ELLE. Instinctivement, elle se rapproche
de moi et tète. Elle se rendort alors profondément et je me lève. Puis
super-mamie-nounou prend la relève. Elle se lève tous les matins à 6h,
prend le volant et nous rejoint chez moi, juste pour s'allonger à coté
de Lou dès que je me lève, pour qu'elle ne se retrouve pas seule dans ce
grand lit. Et là, je mesure la chance qu'on a, Lou et moi, d'être autant
entourée d'amour! Super-mamie-nounou a respecté chacun de mes choix et
m'a toujours soutenue. Elle pratique la DME, la ML (même si son coeur
s'arrête 10 fois par jour!), le cododo, la bienveillance et l'amour
inconditionnel. Elle fait de son mieux et plus encore.
Il n'y a pas de mots assez beaux pour lui dire toute ma reconnaissance.
À part, peut-être, "je t'aime maman!"
Lou n'a eu aucun souci d'adaptation. Elle n'a pas pleuré, même le 1er
jour. J'ai expliqué encore et encore, je lui ai dis que notre vie serait
différente mais pas moins bien. Je lui raconte mes journées dans les
moindres détails. Je sais qu'elle m'entend même si elle a l'air de ne
pas m'écouter. Je lui dis que quand maman n'est pas là,
super-mamie-nounou la protège.
Et papi-rockeur n'est pas en reste ! Tous les dimanches, c'est éveil musical. Papi-rockeur à la guitare et Lou a la flûte, à l'harmonica, au tambourin ou au chant ! Il adore lui expliquer comment marche les choses et à quoi elles servent. Et les-grosses-joues n'en perd pas une miette ! Elle est fan de son grand-père. C'est super-mamie-nounou qui est limite jalouse quand Lou se jette dans ses bras plutôt que dans les siens !
En presque 5 mois j'ai vu tellement de changement. Je l'ai vu s'apaiser autant
que je me suis apaisée moi. J'ai réalisé a quel point j'étais tendu
avant, à quel point l'atmosphère n'était pas douce, pas tendre. Nous,
parents, nous sommes transparents pour nos enfants. Maintenant, elle a
une bulle d'amour autour d'elle!
6 jours après sa 1ère bougie, Lou s'est mise debout seule et a avancé
vers moi, les deux bras en l'air, sans me quitter des yeux. Je n'ai eu
aucune réaction. Je l'ai juste regardé et le temps s'est simplement
arrêté. C'est une amie, présente ce jour là, qui m'a réveillé de ma
stupéfaction en me disant "Heu !!!! Mais là en fait, elle vient de
marcher!"
Je l'ai serré si fort, entre les larmes et le rire bête. Ma boule de bébé, ma bouille d'ange, ma poupée jolie. J'avais si peur de louper tellement de choses. J'ai toujours aussi peur. C'est terrible de ne pas être présente à chaque seconde. Juste terrible.
Il a fallu que je lui achète des chaussures pour nos promenades en extérieur. Après avoir lu quelques articles sur le sujet et sur les conseils de notre ostéopathe, j'ai opté pour une paire aux semelles très souples, sans voute plantaire et légère. J'ai trouvé mon bonheur sur le site "petits pas de géants".
« La marche est
un effort de collaboration exigeant la communication constante entre
le cerveau et les pieds. Les nerfs situés sous le pied sentent
le sol et envoient des signaux au cerveau qui l’aident à
déterminer comment et où le poids du corps devra être
réparti pour un bon équilibre.
Les chaussures changent cette communication avec le cerveau, et plus
la semelle sera épaisse et rigide, plus le message sera nul.
Les chaussures ne sont pas nécessaires pour l’appui et
le développement de la voûte plantaire, elles se doivent
seulement de protéger les pieds contre un environnement agressif.
»
Le chapitre de la motricité libre se clôt (presque) ici et je suis heureuse de lui avoir offert la possibilité de découvrir son corps par elle-même. Aujourd'hui, je frôle l'attaque cardiaque à chaque fois qu'elle tente un truc un peu...audacieux. Je ne lui montre pas ma peur, je l'encourage et me tient assez proche pour intervenir.
Rappel des faits :
A ses 3 mois, je découvre la ML et ne la force plus a rester dans une
position qu'elle ne maitrise pas. Je lui fais confiance et respecte son
rythme. Ce fut dur les 2, 3 premières semaines car elle était habituée a
rester dans positions qu'elle aimait bien. Puis, elle a vu qu'elle
pouvait faire tout ça seule, et cette liberté lui a beaucoup plu.
4 mois : elle passe du ventre au dos et du dos au ventre.
6 mois : elle rampe en mode "Il faut sauver le soldat Ryan"
7 mois : elle marche à 4 pattes. Elle apprend du coup à s'assoir. Elle sort aussi ses deux premières dents. Autant vous dire que les nuits à ce moment là n'étaient pas super fun...
8 mois : elle se lève en se tenant aux meubles et, grâce à la DME, elle développe une super motricité fine. Elle est capable d'attraper de tout petits objets entre son pouce et son index. Le peu de tranquillité qu'il me restait disparait totalement.
10 mois : elle marche en se tenant aux meubles.
11 mois : elle monte seule sur le canapé et sur tous les petits meubles.
12 mois : elle fait ses 1ers pas.
15 mois : elle court, grimpe presque partout, descend les escaliers en se tenant à moi, etc.
J'ai par contre continué a lui apprendre la LSF (langue des signe
française). J'ai eu des moments de découragement ne voyant rien venir.
Vers 11 mois, elle a appris à dire "non" de la tête. Puis "oui". Elle
tendait aussi son index vers ce qu'elle voulait. Et un jour, elle a
porté sa main a son oreille, le signe pour "dodo". Surprise et confuse,
j'ai voulu vérifier : "Lou tu veux faire dodo?" Elle m'a dit "oui" de la
tête. Quelle fierté! Depuis, elle sait signer "merci", "téter",
"pardon" et "donne" et "manger". Je lui apprend "s'il te plait",
"encore" et "bobo". Elle ne parle pas encore (à part "maman", "dodo" et
"tac") alors c'est merveilleux de pouvoir communiquer avec elle de
cette façon! Quand, un matin, les yeux encore fermés, elle a fait le
signe de "téter", j'ai eu des papillons dans le cœur!
L'arrêt de l'allaitement n'était pas une option pour moi. Je voulais
absolument garder ce lien lacté avec elle. J'ai lu encore et encore
pendant les 2 mois d'été pour me préparer au mieux. J'ai acheté un tire
lait et fait quelques réserves au congelo. Je n'ai eu besoin de tirer mon
lait que 2 ou 3 fois. Lou est diversifiée. Super-mamie-nounou lui donne
des yaourts de brebis ou du fromage de chèvre au petit déjeuner et au
déjeuner la semaine et le mercredi et le weekend, c'est nichons à
volonté. Ma production s'est adaptée, le plus naturellement du
monde.Quand je rentre du boulot, je m'enlève le soutien gorge dans
l'ascenseur car je sais qu'elle va me courir dans les bras à la seconde
où je vais ouvrir la porte et vouloir téter tout ce que je lui ai
manqué. Et cet instant la, il est magique. C'est plus qu'un câlin, c'est
plus que des retrouvailles. C'est comme si on se découvrait pour la
première fois, encore et encore! Et quand on regarde ma fille qui tète en lui disant "Tu es bien grande pour téter encore !" je réponds pense "Tu es bien con pour être encore en vie !"
Plus Lou grandit, plus je me bats au quotidien contre une douce
violence. Une violence pas toujours méchante mais destructrice. Une violence qu'on n'oublie pas. Celle
qui fait rire les adultes et qui marque à vie l'esprit de nos enfants. Celle qui, sous couvert de grands principes éducatifs,
emprisonnent et humilient nos enfants. La violence éducative ordinaire.
Elle est ordinaire peut-être mais pas anodine!
Non, Lou ne pue pas. Sa couche, si.
Non, Lou n'est pas gourmande. Elle a de l'appétit.
Non, Lou n'est pas sale quand elle mange.
Non, Lou n'est pas sage parce qu'elle dit "bonjour".
Non, Lou n'est pas timide lorsqu'elle refuse les bras de quelqu'un d'autre.
Non, Lou n'est las feignante, même si elle ne veut plus marcher et demande a être portée.
Oui, Lou est jolie même quand elle pleure.
Ça peut paraitre dérisoire mais pas pour moi, pas pour elle.
Imaginez que l'on vous dise, dès demain et tous les jours
d'après, que vous êtes une grande timide. Ne finiriez-vous pas par
croire que vous l'êtes vraiment? Puisque tout le monde à l'air de
s'accorder pour vous taxer de ce "défaut"...
Lou est qui elle est. Elle se sera pas ce qu'on la forcera à être. Elle
apprend, elle découvre. Elle expérimente le monde. Les émotions qu'elle
ressent ou nos réactions font partie de ce monde.
Je veux que Loi soit libre!
Je réfléchis toujours avant de parler. C'est pas naturel. Mais la
bienveillance, ce n'est pas innée, ça s'apprend, ça se travaille. C'est
vraiment pas simple tous les jours. Il faut du courage pour faire taire
nos vieux démons. Ces démons camouflés dans des phrases dites et
répétées par nos mères, nos profs et la vieille voisine a qui on a rien
demandé et qui ont bercé notre enfance et notre adolescence. Ceux qui
sont déguisés en principes éducatifs souvent barbares. Oui c'est barbare
de traiter nos enfants sans se préoccuper de leur ressentis, sans se
demander si nous, adultes, accepterions d'être ainsi malmenés. Car le
1er qui me dit "t'es pas belle quand tu pleures" il se mange un aller
retour direct. Il faut faire attention a ce qu'on dit a un enfant. Il
faut s'écouter parler. Il faut réaliser que ce n'est pas anodin!
Comment espérer de nos enfants du respect quand nous leur enseignons juste l'inverse?
Comment faire comprendre à nos enfants que la violence ne résout rien à coup de tape sur la main?
Comment apprendre à nos enfants à gérer leurs émotions si ne savons pas gérer les nôtres?
C'est là tout de la paradoxe d'une éducation qui ne fait que forger des petits soldats, bien dressés.
Violence éducative ordinaire, fessée, punition, humiliation, voilà comment on éduque nos enfants aujourd'hui.
On les frappe pour les rendre fort alors qu'il n'y a rien de plus lâche que de lever la main sur son enfant. Lâche et dangereux. C'est perdre le contrôle. Quel parent à un jour frappé son enfant parfaitement calme? Qui peut se vanter de connaitre exactement ses limites? Comment savoir qu'on ne donnera jamais la claque de trop, celle qui laisse des traces, sur la peau et dans le cœur?
Alors, oui, je réfléchis à mes mots, à mes gestes. J'ai souvent besoin de me contrôler car être maman, c'est loin d'être simple. Quand je commets une erreur, je demande pardon, instantanément. Je ne suis pas parfaite et ne le serais jamais. C'est bien pour ça que je cherche, que je lis, que je me renseigne. J'ai, entre les mains, la vie d'une petite personne. Ce n'est pas parce que c'est ma fille, que je sais tout et tout faire. Ce n'est pas parce que c'est ma fille, que j'ai tous les droits. J'ai surtout un devoir : la rendre épanouie, bien dans sa peau et dans sa tête. Je dois lui montrer l'exemple! Je me poserais toujours des questions sur
l'impact qu'une phrase peut avoir sur la perception qu'elle a d'elle
même. Je le ferais aussi demain, et les jours d'après.
Même une toute petite phrase compte. Même un tout petit mot. Même
un tout petit regard.
On dit que nos enfants sont nos miroirs. Alors que voulez-vous voir dans le reflet? Moi, je veux y voir le meilleur de moi ! Je ne veux pas y voir mes erreurs ou celles que d'autres ont commises. Je ne veux pas y voir mes faiblesses et ma lâcheté.
Je veux que Lou soit libre des mes démons et de VOS démons.